On peut définir un mème comme un morceau d’information, stocké temporairement dans le cerveau humain, qui influence le comportement (pensée, parole, ou action) et se transmet d’une personne à une autre par imitation (imitation est ici pris au sens large, c’est-à-dire consciente ou non, voulue ou non, immédiate ou différée).
(Définition formulée par P.Jouxtel d’après les travaux du Dr S. Blackmore.)
D’après Aaron Lynch, on devrait dire qu’un mème est « le sous-ensemble copié interpersonnellement d’information stockée dans le cerveau » ( the interpersonally copied subset of brain-stored Information. )
Certains auteurs considérent les mêmes comme des éléments autonomes qui se copient d’hôte en hôte, (approche Lynch) et d’autres comme le langage même dans lequel sont écrits les codes de nos comportements (approche Blackmore.)
La définition récemment fournie en 2001 par Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin, de la revue Automates Intelligents, est bien tournée :
« Les mèmes sont des unités réplicatives et mutantes se développant sur le mode darwinien dans les réseaux constitués par les cerveaux des hommes et par les divers médias, traditionnels (parole, écrit (*)) ou modernes (radio, TV, Internet) les reliant.
Les mèmes apparaissent, se reproduisent et se diversifient là où ils trouvent l’opportunité d’acquérir de nouveaux espaces de vie et de nouvelles sources d’énergie. Leur action est déterminante dans la formation des opinions humaines et, consécutivement, dans les comportements individuels et collectifs se traduisant finalement par des structurations sociales plus ou moins lourdes, générant à leur tour de nouveaux mèmes.
Dans cette optique, évidemment discutable, ce ne sont plus les organismes et structures qui créent des mèmes, mais les mèmes qui créent les structures et les organismes. Les mèmes structurants émergent évidemment d’un terrain pré-existant, mais celui-ci n’est pas différencié, pas organisé, et ce sont les mèmes qui lui donnent vie. »
(*) Une petite remarque : quand les auteurs parlent de médias traditionnels, je pense que l’on peut rajouter les éléments perceptibles de la construction sociale, comme les arts plastiques, le costume, l’architecture ou les rites.
Un exemple ?
– Oh, la belle cravate ! C’est quoi, dessus ?
– Des abeilles et des pots de miel.
– Ah, oui… Bernard, il en a une avec des petits chiens.
– Je l’ai achetée chez XXX, tu sais, rue de la YYY ?
– Ca tombe très bien, je cherchais un cadeau pour Marc.
– Tu verras, ils en ont des super belles, avec des lions, des canards, etc.
– J’adore les cravates avec des animaux.
– Moi aussi !
– etc.
Le lendemain, Marc avait une cravate comme celle de Bernard !
Système
Comme le souligne Joël de Rosnay dans Le Macroscope , Il est pratiquement aussi difficile de définir le mot système que le mot « chose » ou le mot « vie ».
Nous emploierons ici le terme « système » pour désigner Le règne des systèmes offre, comme le règne animal, des créatures de petite et de grande taille, des très nombreuses et très simples, d’autres très complexes et de grande ampleur. On y rencontre l’équivalent des espèces, des sociétés, des individus.
Parmi les principales sortes de créatures systémiques, on peut déjà citer
les organisations
les comportements
les idéologies
les machines
les symboles
les jeux, etc.
En toute rigueur, il ne s’agit que des systèmes représentables ou codables dans le cerveau humain ou ses extensions, et ayant une influence sur les comportements. Il s’agit de socio-systèmes, essentiellement post-biologiques.
Prenant une liberté par rapport à la systémique classique, on ne considérera ici les systèmes que dans la mesure où ils font intervenir au moins un esprit humain. Ainsi, une bougie sera considérée comme un système permettant à une personne de s’éclairer, ou de célébrer un rite. Dans ce cas, le système sera par exemple « une bougie allumée sur un gâteau d’anniversaire ». En revanche, dans une approche systémique classique, la personne ne fait plus partie du système une fois la bougie allumée, fonctionnant en régime permanent.)
Réplicateur
1. Les réplicateurs sont des entités capables de se répliquer spontanément, dans des conditions favorables. Ils fabriquent des copies d’eux-mêmes. L’ADN est un réplicateur.
2. Ils se groupent par bandes (gangs) pour s’entraider. Ils s’entourent de dispositifs de protection, de reproduction, et de mobilité afin de garantir une meilleure longévité, une meilleure fécondité et une meilleure fidélité de la copie. (le véhicule le plus sophistiqué de l’ADN s’appelle l’homme, mais le plus efficace est la bactérie.)
3. Il existe au moins un deuxième réplicateur indépendant de l’ADN. Indépendant ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’interaction entre les deux. Le chapitre des co-adaptations mème/gène est le plus délicat, mais pas le moins intéressant. Il n’est du reste pas démontré que l’ADN (ni même l’ARN) soit le premier réplicateur. Certains biologistes (comme Cairns-Smith) évoquent la possibilité d’un antique réplicateur minéral, apparenté aux cristaux d’argile. Nous utilisons l’argile pour faire des récipients… c’est peut-être ce que nous sommes en train de devenir à notre tour.
4. Les lois de Darwin s’appliquent à tous les réplicateurs. Elles décrivent comment, face à une pression de sélection environnementale, certains éléments de code influencent la capacité de survie et de reproduction du porteur. Lorsque plusieurs versions du même bout de code existent, elles entrent de fait en concurrence, et la version offrant les meilleures capacités de survie l’emporte au fil des générations. La possibilité qu’ont ces codes de muter à l’occasion du processus de copie permet l’apparition de nouvelles variantes, et donc l’adaptation des espèces à leur milieu.
Alors, les chercheurs s’emploient à démontrer ce dont Dawkins avait eu l’intuition en 1976, savoir que les mèmes sont doués, comme les gènes, du « pouvoir de réplicateur ».
Par nature, il ne font qu’une chose : des copies d’eux-mêmes, dans le cerveau de toute personne qui entre en contact avec le porteur. Ces copies peuvent être caractérisées par trois qualités, qu’ils peuvent posséder à différents degrés :
La fécondité, c’est-à-dire la capacité à fabriquer massivement un grand nombre de copies.
La fidélité, c’est-à-dire la capacité à se reproduire sans déformation, ni déperdition.
La longévité, c’est-à-dire la capacité à s’inscrire durablement dans la mémoire ou les habitudes du porteur.
Les mèmes subissent une pression d’évolution , car ils doivent partager une ressource limitée : d’abord l’attention, puis la mémoire, puis l’expression. En d’autre termes, ils sont infiniment trop nombreux pour ce que nous sommes capable d’embarquer à bord de notre cerveau.
Donc, il y a compétition.
Donc, il y a sélection.
Donc, il y a évolution au sens de Darwin.
D’après la théorie générale de Dawkins sur l’évolution, étendue à l’ensemble du monde observable, au-delà de la seule biologie (cf C. Darwin), ces constats suffisent à conférer au mème son statut de réplicateur à part entière. Partant de là, on bascule littéralement dans une vision de l’évolution naturelle des cultures, des organisations, des idées et même des comportements qui « prend sens » d’un seul bloc, comme une image floue qu’on aurait soudain mise au point.