D’où venons-nous ?
Longtemps réduite à une histoire d’os et de silex, l’origine de l’homme est en train d’être réinventé. Les éthologistes ont découvert l’existence de cultures chez les chimpanzés ; les linguistes et préhistoriens imaginent désormais l’existence d’un « protolangage » parlé par Homo erectus ; l’étude de la pensée en images remet en cause la thèse du langage « propre de l’homme » ; les neurosciences nous révèlent comment le cerveau humain a évolué depuis 3 millions d’années ; on découvre aussi que les origines de l’art remontent bien avant l’apparition des grottes ornées, etc.
Dans ce livre, J.F. Dortier propose une synthèse des études sur la préhistoire de l’esprit humain. A la lumière des recherches actuelles sur l’intelligence animale, la naissance de la pensée chez l’enfant, les fondements du langage, la naissance des techniques et de l’art, une vision nouvelle des origines de l’homme se dégage. Elle révèle les mécanismes fondamentaux qui permis l’émergence et l’évolution des cultures humaines.
Ce livre se veut un roman scientifique illustré de nombreux récits : sur la vie des chercheurs et l’histoire des idées d’abord. Il fourmille aussi d’exemples concrets sur l’organisation sociale des loups et le chant des oiseaux, sur la vie premiers chasseurs-cueilleurs et les premiers mots de l’enfant, sur les troubles du langage les peintures des Aborigènes.
Présentation par Paul Tréhin
Jean-François Dortier, « L’homme cet étrange animal. Aux origines du langage de la culture et de la pensée », Editions Sciences Humaines, 2004
Heureusement que ce livre, n’est pas paru il y a quatre ans, au début de mes recherches sur l’évolution de l’art et de la culture dans les périodes allant de l’Aurignacien au Magdalénien, il m’aurait ôté toute excuse pour avoir le plaisir d’acheter un bon nombre des livres sur le sujet et malheureusement privé de la merveilleuse lecture de ces ouvrages plus spécialisés sur les arts et les cultures paléolithiques.
Le livre de Jean-François Dortier propose en effet un panorama quasiment exhaustif, pluridisciplinaire et très à jour des connaissances actuelles en matière de paléoanthropologie, paléo-psychologie, paléo-linguistique, théories sur l’évolution du genre Homo et de son art et de ses cultures.
Sur la forme ce livre est d’une très grande clarté. Le propos, soutenu par de nombreuses mais discrètes références bibliographiques, est organisé de manière didactique. Il se présente sous forme de chapitres développant chacun des thèmes principaux évoqués ci-dessus. Chaque chapitre est accompagné d’annexes donnant des exemples plus précis sur les différentes idées forces développée dans le corps du chapitre.
L’auteur commence par resituer l’homme dans le cadre plus large de l’évolution animale en faisant apparaître la difficulté croissante à déterminer en quoi l’homme se distingue fondamentalement des autres animaux au fur et à mesure que les expérimentations en psychologie animale font émerger des compétences inattendues et que l’on pensait être le propre de l’homme.
C’est tout d’abord les aspects philosophiques qui sont abordés, dans leur genèse historique, mais malgré la richesse des pensées philosophiques, l’auteur nous conduit vers une vision plus scientifique de la compréhension de la nature de l’homme au travers de l’évolution récente vers la pluridisciplinarité en matière de sciences humaines et de l’éclairage nouveau que les sciences dites « dures » ont apporté à l’anthropologie, la psychologie, la linguistique, l’histoire et en particulier l’histoire de l’art.
Bien que didactique, le propos n’est pas neutre. C’est sans complexe que les sujets tels que la psychologie évolutionniste et même la sociobiologie, sujets brûlants s’il en fût il y a quelques années, de manière rationnelle, mettant en avant les mal entendus qui les avaient discrédités. Les sujets interdits il y a quelques décennies, tels que les représentations mentales, l’origine du langage, sont abordés à la lumière des apports scientifiques modernes. Au sujet de la mémétique, Dortier met en évidence la différence de point de vue entre le biologiste Dawkins et l’anthropologue Sperber, lequel conteste la validité d’un modèle réplicatif culturel fonctionnant sur le modèle génétique.
Le chapitre sur l’origine de l’homme et les suivants racontent la saga de l’évolution qui nous a conduit des premiers hominidés à l’homme moderne. Là aussi l’auteur présente diverses théories mais cela ne l’empêche pas de prendre partie pour certaines d’entre elles et d’en rejeter d’autres, non seulement à cause de leur obsolescence mais aussi en prenant part au débats actuels sur ces thèmes fondamentaux que sont l’apparition du langage, les mutations soudaines vers -50000 ans, l’art et les pré requis cognitifs ou linguistiques.
La partie sur l’art paléolithique est extrêmement bien documentée. L’auteur y expose aussi les principales approches quant aux motivations des artistes.
Pour l’ensemble du livre, les données scientifiques sont très à jour, ce qui constitue un exploit compte tenu de la prolifération de publications scientifiques dans ce domaine et des délais incompressibles de la publication.
Revenant sur mon introduction en forme de boutade, je pense qu’au contraire ce livre donne envie d’en savoir plus car l’auteur a su aiguiser notre curiosité. Depuis que j’ai fini de le lire, j’ai découvert grâce à lui des domaines extrêmement riches en idées nouvelles pour la compréhension de notre nature humaine.
En conclusion, un livre à lire absolument : pour les nouveaux venus afin d’éviter de se disperser ou de passer à côté de domaines importants, pour les vieux de la vieille un formidable résumé permettant de mettre en ordre ses propres idées.